La petite bourgeoisie comme classe sociale
Les petits bourgeois ne produisent aucune plus-value, mais ils parasitent la plus-value produite par les ouvriers qu’ils ont intérêt à maintenir en servage salarié, le gagne-pain du bobo en dépend.
Les capitalistes les emploient à des tâches spécialisées afin d’entretenir la force de travail salarié, l’encadrer, la diriger ( politiquement notamment ), la réprimer et la pressurer afin qu’elle assure l’afflux maximum de plus-value vers les différents secteurs d’activité et vers les entreprises pour que le petit-bourgeois obtienne sa pitance en récompense de sa dépendance larmoyante.
La petite bourgeoisie assume de multiples services tertiaires, internes aussi bien qu’externes aux entreprises, ce que les ouvriers d’Amérique appellent le « Red Tape », c’est-à-dire des coûts extra-production qui font enfler les soumissions et décourage les clients capitalistes des pays émergents.
En effet, le sort de l’ouvrier est intimement lié au sort du petit-bourgeois salarié.
Au milieu des années 70, un ouvrier ou un employé pouvait « espérer » rattraper le niveau de vie d’un cadre en 30 ans.
Contre 150 ans de nos jours.
La Noce – La Noce chez les petits-bourgeois de Bertolt Brecht – se déroule dans un monde d’apparence soumis aux conventions. Espace réduit qui décrit assez bien la petite-bourgeoisie lors de l’établissement des prémices de leur domination. Dans ce monde intemporel – aucune date, aucune allusion à l’extérieur, aucune référence à un ailleurs identifiable -, dans ce monde où toutes formes de repères historiques et politiques, culturels, géographiques sont gommées, des personnages représentatifs de cette classe sont aux prises avec leur propre vacuité. Ils évoluent comme englués dans leur médiocrité et entretiennent, paradoxalement, eu égard à ce qu’ils laissent entrevoir de leur âme, un sentiment de supériorité qui les rend immédiatement détestables.
Cette classe infatuée d’elle-même s’expose pour ce qu’elle est, un aboutissement historique dans la négation du tragique et la réduction de l’autre au clone de soi.
Elle est l’incarnation de la fin de l’histoire, c’est-à-dire de son effacement au profit de l’actualité la plus immédiate avec ce que cela comporte de sordide, d’amnésie et de malhonnêteté intellectuelle. Le tout présenté sous les auspices de l’innocence et de l’irresponsabilité. La dissolution du social dans une célébration d’un individualisme empreint de conformisme et de faux-semblant est, pourrait-on dire, le signe le plus flagrant de sa victoire, une victoire sans partage. Laquelle accomplit la domination idéologique d’un néant bavard et futile tourné uniquement vers lui-même.
Cette mise en abîme semble donner à ses thuriféraires une source d’inspiration où ils puisent leur autosatisfaction qui, par bien des côtés, ressemble à une célébration de l’anéantissement de la parole dans sa propre caricature. Cette classe, moyenne en tout, hisse en effet le « déparlé » au stade le plus parfait de la fausse conscience et glorifie le lieu commun en lieu et place de toute pensée inspirée.
Elle est le siècle, son idéal et sa réalisation.
Jean Luc Debry
Étant donné que, dans la quasi-totalité des pays à travers le monde, la classe ouvrière piétine, s’use et s’échine dans des luttes de résistance sur le front économique et ne parvient pas à développer une conscience de classe « pour soi », visant la conquête politique exclusive de tout le pouvoir d’État, alors la marée des petits bourgeois paupérisés frétille afin de s’emparer de la direction de ces luttes pour les diriger vers des revendications réformistes en faveur d’un changement électoral gouvernemental.
D’autres voies et moyens sont préconisés tels la signature de milliers de pétitions de protestation, expressions pusillanimes de leurs rancœur juvénile ; la tenue de protestations pour des réformes juridiques en faveur des démunis (les Indignés campant sagement devant les bourses de ce monde en perdition) ; l’adoption de lois comme cette loi québécoise interdisant la pauvreté [sic] ; une autre loi présentant en débat des « valeurs » authentiquement bourgeoises et xénophobes ; une loi pour taxer les transactions financières (ATTAC et taxe Tobin avec l’appui de la grande bourgeoisie) ; une loi pour interdire la spéculation boursière frauduleuse ou l’évasion fiscale illicite vers les paradis fiscaux créés et protégés par l’État policier ; ainsi que moult autres gabegies du même acabit. Sans compter l’appétence de la petite-bourgeoise pour les commissions d’enquêtes publiques afin de réintroduire l’éthique dans l’administration gouvernementale et la politique nationale, provinciale, régionale et municipale, déviant ainsi l’aporie des classes antagonistes vers le marais de la social-démocratie réformiste et vers la déchéance électoraliste.
La petite bourgeoisie est individualiste et narcissique
Dans la vision de Marx, la petite bourgeoisie avait peu de possibilité pour transformer la société car elle ne pouvait guère s’organiser, la concurrence du marché positionnant ses membres « les uns contre les autres ». La petite bourgeoisie est le chien de garde social de la grande bourgeoisie, elle est un segment de classe intermédiaire engageant son existence comme entremetteur entre la grande bourgeoisie et la classe ouvrière ou encore offrant ses services à l’une et à l’autre de ces classes sociales antagonistes.
« Ce soir ou jamais » une émission prétendument « transgressive » plébiscitée par l’extrême droite pour son « courage »
De par sa position de classe la petite bourgeoisie, isolée, individualiste, égocentrique et pédante est très vulnérable aux aléas de l’économie et aux transformations sociales qu’elle appelle de ses vœux et craint tout à la fois. C’est la raison pour laquelle nous qualifions ce segment de classe d’hésitant, de pleutre, de chancelant, d’indiscipliné, d’anarchisant et de fortement attiré par la politique terroriste alors que sa résilience révolutionnaire est plus qu’incertaine. Le compromis, la conciliation, la collaboration de classe sont ses penchants naturels, instinctifs, ce qui explique que ses héros ont pour nom Gandhi, Mère Teresa et Nelson Mandela.
” Vous pourrez plus vous plaindre du PS car vous aurez choisi ” lance Arnaud Montebourg au syndicaliste Xavier Mathieu juste avant les “primaires” en 2011.
Son mode de vie narcissique et dépendant pousse instinctivement le petit bourgeois vers la grande bourgeoisie qu’il sert docilement.
Mais que survienne une crise économique comme il en arrive régulièrement en mode de production impérialiste et le train de vie de la petite bourgeoise est menacé, elle est chassée de son loft hypothéqué, elle doit troquer ses vêtements griffés et sa grosse cylindrée empruntée. La petite bourgeoisie s’enrage alors, maudit l’ouvrier qui refuse de travailler davantage pour gagner moins, afin de permettre aux capitalistes de maintenir ses profits, soi-disant soutenir l’emploi, et prétendre doper l’économie et les marchés de biens et de service sur lesquels parasite la petite bourgeoisie démunie.
La différence entre ces deux classes (ouvriers et petits bourgeois paupérisés) tient à ceci que l’ouvrier sait, ou devrait savoir, que seule la destruction totale et l’éradication complète du système d’économie politique capitaliste peut sauver la planète et l’espèce humaine, alors que le petit-bourgeois, indécrottable fumiste et éternel utopiste entêté est convaincu que quelques bonnes réformes au mode de production impérialiste décadent, qui n’affecteraient nullement son statut social, suffiront à le remettre sur pied pour une nouvelle farandole des pieds nickelés.
Le petit-bourgeois a un ego démesuré et sa scolarité ( souvent universitaire ) ainsi que sa position sociale autoritaire, en tant que courroie de transmission et transmetteur d’ordre pour ses patrons, lui confère une grande suffisance narcissique. Le petit-bourgeois sait tout, n’obéit qu’à celui qui le stipendie et, assis dans son salon devant sa télévision entre deux bourbons, en parole et sur papier, il transforme la société. En réalité, il ne sacrifiera jamais sa vie pour autrui, et loin de lui le fusil de la révolution socialiste. Nelson Mandela, le pacifiste, comparse de Frederik de Klerk, et penseur de la Nation Arc-en-ciel de collaboration de classes entre les négriers Afrikaners et les noirs surexploités et assassinés dans les mines et les townships de pauvreté est son héros ex-voto. De par son activité dans le procès social de production et de reproduction du capital, des marchandises, des biens et des services à commercialiser, la petite bourgeoisie est en contact fréquent avec la classe ouvrière et avec la classe capitaliste qu’elle admire de tout son être, qu’elle vénère et qu’elle envie. Une âme de petit prédateur capitaliste sommeille dans le cœur flétrit et mesquin de tout larbin petit-bourgeois malandrin.
Les deux classes (ouvriers et bobos) s’épient et se méprisent mutuellement. Pour le moment la petite bourgeoisie servante de la grande bourgeoisie a le haut du pavé dans la lutte de résistance sociale et c’est elle qui mène le bal.
L’histoire a montré que dans les périodes de grave crise économiques et sociales la bourgeoisie n’avait aucun scrupule à abattre son jeu et à instaurer sa dictature de classe ouverte, la petite bourgeoisie a au contraire besoin de la démocratie comme de l’air pour respirer. C’est dans l’ambiance démocratique que la petite bourgeoisie peut le mieux exercer toutes ses capacités de médiateur et d’entremetteur, au point de remplir tous les espaces politiques, sociaux et économiques permis par le développement capitaliste. Ce n’est pas par hasard que dans les pays capitalistes les plus développés la petite bourgeoisie prolifère dans les secteur du commerce, des «services», de l’administration, de la bureaucratie, de la culture, de l’information, de la religion ou du sport, plutôt que dans les secteurs traditionnels de l’artisanat, de la petite production et de l’agriculture. On rencontre davantage dans ces derniers secteurs des éléments venus du prolétariat avec l’espoir d’échapper à leur condition en «se mettant à son compte».
La petite bourgeoisie cherche à utiliser la force de résistance de la classe ouvrière et de ses alliés afin de la monnayer aux grands bourgeois contre de meilleures conditions d’esclavage salarié pour elle et les siens.
La classe ouvrière doit impérativement modifier ce rapport de force et reprendre son autonomie organisationnelle et militante. C’est la classe ouvrière qui doit diriger le combat de résistance féroce (pas du tout pacifiste) et non pas se mettre sous le parapluie de la petite bourgeoisie aigrie, chancelante, irrésolue, pacifiste et conciliatrice.
Depuis l’approfondissement de la crise systémique de l’impérialisme moderne l’État réduit les charges fiscales imposées aux entreprises accroissant d’autant les impôts et les taxes reposant directement sur les épaules de tous les salariés, les ouvriers tout autant que les employés des entreprises privées, publiques et parapubliques, ce qui comprend évidemment les petits-bourgeois (la pseudo classe moyenne qui n’a jamais existé) qui ont tout à coup le sentiment de ne plus être importants pour leurs maîtres capitalistes qui les soumets petit à petit à l’indigence…
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